Le solaire et l’éolien ne plaisent pas à tout le monde — pourtant, ils changent la donne
5 chiffres pour comprendre le potentiel inégalé des renouvelables dans la lutte contre le réchauffement climatique
Vous l’aurez peut-être remarqué, les titres de journaux de la droite conservatrice ont des cibles régulières, parmi lesquelles : les francs-maçons, l’immigration et… les éoliennes.
Lorsque les énergies renouvelables (solaire et éolienne) ne sont pas attaquées pour leurs impacts directs, elles le sont pour leur concurrence au nucléaire, comme dans cette tribune récente parue dans Le Point :
Entre autres critiques sur la gestion des marchés de l’électricité en France, on y retrouve la remise en question de l’utilité des renouvelables par rapport au nucléaire :
Nous dénonçons la poursuite à marche forcée d’installation d’éoliennes marines ou terrestres, ou de panneaux solaires qui ne servent en aucun cas à la décarbonation de notre pays puisque, grâce au nucléaire et à l’hydraulique, l’électricité y est abondante et déjà décarbonée à 95%.
Et à ma petite échelle, je constate que ce scepticisme s’est bien diffusé dans l’opinion publique. Quand je questionne mes amis sur l’impact écologique des panneaux solaires, on me répond invariablement avec circonspection : “oui, c’est bénéfique, mais pas tant que ça, surtout si on prend en compte tout le cycle de vie.. et puis il y a les batteries...”
Les énergies renouvelables méritent-elles cette défiance ?
Il me semble qu’au contraire, les énergies renouvelables méritent d’être bien mieux connues et mieux défendues.
Dans ce numéro, on va donc voir d’abord que ces technologies ont un impact positif énorme en matière de réchauffement climatique. Impact qui prend bien en compte tout le cycle de vie et même les infrastructures de réseau supplémentaires.
Spécificité française oblige, j’expliquerai ensuite pourquoi, à mon sens, on peut soutenir le solaire et l’éolien indépendamment de nos choix sur le nucléaire : en France, parce que le parc nucléaire est en fin de vie et que nos meilleurs efforts pour le relancer appelleront quand même à beaucoup plus de renouvelables pour satisfaire la demande d’électricité bas carbone d’ici 2050 ; dans le monde, parce que le nucléaire est concurrencé et dépassé par les EnR sur le plan des coûts et de la facilité de déploiement.
En chiffres, ça va donner la série gagnante suivante :
73% : 73% des émissions mondiales sont liées à notre consommation d’énergie, encore majoritairement d’origine fossile. Sortir des fossiles est LE principal obbjectif pour lutter contre le réchauffement, et c’est une condition sine qua non.
50x : 1 kWh d’électricité produit par une centrale photovoltaïque ou une éolienne émet en moyenne 50 fois moins qu’1 kWh produit par une centrale à charbon, y compris en prenant en compte la fabrication et la fin de vie. Les renouvelables ont un potentiel énorme.
3x : en France, une voiture électrique utilisée sur 200 000kms émet environ 3 fois moins de gaz à effet de serre qu’une voiture thermique équivalente. Cela prend en compte tout son cycle de vie, y compris la batterie et le recyclage.
40% : selon RTE, même si on relançait au maximum le développement nucléaire en France pour décarboner notre électricité d’ici 2050, on compterait sur le solaire et l’éolien pour produire 40% minimum de cette électricité , ce qui nécessiterait de multiplier nos installations solaires actuelles par 7 et éoliennes par 2,5.
90% : le coût moyen de l’électricité produite par centrale solaire dans le monde a diminué d’environ 90% entre 2009 et 2019 (ce qui la rend généralement plus compétitive que le nucléaire, a fortiori compte tenu de sa facilité d’installation).
Si vous n’aviez ne serait-ce qu’un soupçon d’inquiétude sur le destin climatique du monde, cette newsletter devrait vous apporter des raisons de vous réjouir, ou du moins une direction pour vous mobiliser.
Après tout ça, vous aurez peut-être envie d’en savoir plus sur les EnR
Dîtes-moi le sujet que vous aimeriez qu’on creuse dans un prochain numéro :
Cette newsletter a grandement bénéficié des conversations que j’ai eues avec Arthur de Lassus, ingénieur-maraîcher de son état, que je vous encourage à aller écouter en cours en mai chez Off-campus, mais aussi des relectures d’Alice Dufresne, Auriane Clostre, Guillaume L’Hostis, Marion Cros et Dylan Buffinton.
Merci à elles et eux, et bonne lecture à vous !
Temps de lecture : 15min
Le sujet de l’énergie est au centre du problème climatique
En guise d’échauffement, commençons par redonner un peu de contexte. NB si les mots d’énergie fossile et d’émissions vous sont déjà bien familiers, n’hésitez pas à sauter cette première section.
Vous l’avez sans doute remarqué : on utilise souvent l’expression de “transition énergétique” pour parler de “transition écologique” et vice et versa.
C’est qu’effectivement, le réchauffement climatique est très majoritairement causé par les sources d’énergie fossiles qu’on utilise pour vivre depuis deux siècles et demi.
On voit sur le graphique ci-dessous que 73% du total des émissions mondiales sont liées à la production d’énergie. Auxquelles s’ajoutent le méthane des vaches et des rizières, le CO2 du ciment, etc.
Petit rappel de la chimie des émissions pour comprendre pourquoi :
il y a environ 250 ans, on a trouvé dans le sol terrestre trois matières formées des millions d’années plutôt, par l’accumulation et la macération de vieilles plantes dans les entrailles de la terre : des cailloux noirs (le charbon), des poches de liquide visqueux (du pétrole), et un gaz plein de méthane (le gaz fossile).
comme une vieille branche d’arbre qui aurait séché avec le temps, ces trois matières contiennent beaucoup de carbone et peu d’eau, et, comme la vieille branche sèche, ces matières brûlent très bien !
lorsqu’on les brûle en les mettant en contact avec du dioxygène O2 de l’air, ces matières se désagrègent en libérant beaucoup de chaleur – super ! – et en formant principalement des molécules de C + O2 => CO2 – pas super, car les molécules de CO2 s’accumulent dans l’atmosphère comme une “couette” réchauffante qui nous fait bouillir à petit feu.
Pour stopper le réchauffement climatique, il est nécessaire d’arrêter de brûler des fossiles.
C’est un objectif très clair et pas du tout négociable : diminuer drastiquement puis arrêter de brûler des combustibles fossiles, pour arrêter de relâcher ces molécules de CO2.
C’est “aussi simple que ça” et ça me semble important de se le (re)dire clairement : soit on arrête le pétrole, le gaz et le charbon, soit on se destine à saper les conditions de vie sur Terre. C’est tout le sens des protestations contre les nouveaux projets pétroliers et contre les “bombes carbone”.
Patrick Pouyanné répondrait peut-être que Total Énergies ne fait “que répondre à la demande des consommateurs”. De fait, la chaleur dégagée en brûlant fossiles est aujourd’hui utilisée partout. Réchauffer une maison en brûlant du fioul dans une chaudière, cuire un œuf au plat en brûlant le gaz d’une gazinière, faire fondre du verre dans un four industriel de Saint Gobain en brûlant du gaz, recharger un ordinateur grâce l’électricité produite dans une centrale polonaise où l’on brûle du charbon… : aujourd’hui environ 80% de l’énergie consommée dans le monde provient de la combustion charbon, de gaz fossile et de pétrole.
Alors si on veut continuer de se chauffer et de manger des omelettes, par quoi peut-on remplacer les énergies fossiles ?
Réponse courte : par des sources d’énergie renouvelables !
Les renouvelables émettent beaucoup moins que les fossiles
Effectivement, il y a une très bonne nouvelle dans cette affaire effrayante de réchauffement climatique : nous avons d’autres moyens de se faire cuire un œuf au plat que de brûler des fossiles, qui n’émettent quasiment pas de gaz à effet de serre.
Première étape : changer ses équipements. Pour l’omelette, on change sa gazinière pour basculer sur des plaques électriques. Ces plaques chaufferont la poêle en faisant passer un courant électrique dans des matières résistantes (un peu comme quand vous frottez rapidement vos mains ensemble pour les réchauffer en hiver).1
Le mécanisme de production de chaleur dans les plaques de cuisson est fondamentalement différent de la combustion : ici, pas de réaction chimique, pas de désagrégation de matière, donc pas de nouvelles molécules de CO2 relâchées dans l’atmosphère. C’est la même chose dans le moteur d’une voiture électrique : pas de réaction chimique, pas de carbone qui se désagrège, pas d’émissions.
Bien sûr, il reste à produire cette électricité et l’acheminer jusqu’à nos plaques de cuisine, sans émettre de gaz à effet de serre. C’est là que les renouvelables entrent en scène.
Car par d’ingénieux procédés, on sait construire des objets techniques qui convertissent :
le mouvement macroscopique de pâles aimantées entraînées par le vent en mouvement microscopique d’électrons dans des circuits électriques → c’est la magie des éoliennes, qui convertissent la force mécanique du vent en électricité.
le rayonnement lumineux provenant du soleil en mouvement d’électrons entre des plaques de silicium → c’est la magie des panneaux solaires, qui convertissent l’énergie lumineuse en électricité.
Comme les plaques de cuisson, on voit qu’en phase d’utilisation, l’éolienne et le panneau solaire fournissent de l’électricité sans brûler une matière carbonée. Donc, sans émettre de CO2. Et c’est là toute la différence avec les fossiles qui ne fonctionnent que parce qu’ils émettent du CO2.
Observez plutôt :
Certes, il aura fallu du charbon pour assembler ses composants dans une usine chinoise et du pétrole dans les moteurs des camions et des porte-conteneurs pour acheminer le panneau solaire sur mon toit de maison. Mais ces émissions à la fabrication, au transport et à la fin de vie vont être amorties sur la durée d’utilisation des équipements, soit 20 à 30 ans pour un panneau solaire ou une éolienne. C’est à cela que correspondent les 45g environ pour le photovoltaïque et 15g pour l’éolien, mais aussi 67g pour le gaz fossile et 90g pour le charbon.
Je cite ici par prudence la base carbone de l’ADEME, mais les nouvelles centrales solaires affichent aujourd’hui des performances deux fois meilleures, à hauteur par exemple de 22,32g par kWh pour la centrale photovoltaïque construite en Ardèche par Serfim EnR.
Au bilan : les centrales solaires et éoliennes émettent 25 à 100 fois moins qu’une centrale à charbon, et 10 à 30 moins qu’une centrale au gaz pour produire la même quantité d’électricité.
À nouveau, il me semble important de ne pas passer trop vite sur ces chiffres et de s’arrêter un moment pour apprécier le potentiel énorme de ces technologies en matière d’émissions et de production d’énergie. Quel effet ça vous fait, à vous, de savoir qu’on a des moyens techniques d’agir sur la première source du problème climatique ?
À mon sens, c’est par ces chiffres qu’on devrait conclure nos fresques du climat, plutôt que de faire réfléchir les participants à leurs “petits gestes du quotidien” !
Ces réductions permises par les renouvelables prennent en compte l’ensemble du cycle de vie
Dans mes formations, je commence souvent par discuter des impacts et des risques futurs du réchauffement climatique (assez déprimants), puis j’en viens aux leviers d’action. Je prends le soin de ménager mon effet en révélant l’ampleur des réductions d’émissions permises par les renouvelables, que les participants de mes formations sous-estiment tous très largement au départ. En découvrant ces chiffres, j’imagine toujours qu’ils vont se lever d’enthousiasme dans la salle, dans un grand “Eurêka ! ” collectif.
Et en fait.. pas vraiment.
Ils me regardent avec un peu de circonspection et invariablement, quelqu’un émet un doute et me questionne : “mais est-ce que tout ça prend vraiment en compte l’intégralité des émissions, c’est-à-dire la fabrication, le transport, l’éventuel recyclage… ?”. C’est-à-dire en langage savant : est-ce que ces comparaisons sont bien des analyses sur tout le cycle de vie ?
Oui.
Heureusement pour nous et pour eux, tous ces calculs prennent bien en compte l’ensemble des émissions sur le cycle de vie, notamment les émissions “amont” qu’on mentionnait plus haut, mais aussi les émissions liées à la fin de vie comme le démantèlement et le recyclage.
L’analyse en cycle de vie est la méthode standard pour évaluer les objets techniques de la transition, comme le font l’ADEME en France ou le GIEC à l’échelle mondiale.
Par exemple, on peut comparer une voiture électrique et une voiture thermique de même capacité, phase par phase, et on verra qu’en France, la voiture électrique émet 2 à 3 fois moins qu’une thermique équivalente, sur tout le cycle de vie, y compris le recyclage et la fabrication des batteries (effectivement plus volumineuses et émissives pour des voitures électriques que pour des thermiques).
L’écart se creuserait si on faisait l’analyse de vie sur 200 000 kms d’utilisation, et se réduirait si on regardait un pays européen avec une production électrique plus carbonée comme l’Allemagne. Mais la conclusion reste la même :
En échangeant sur ces chiffres, on s’était finalement interrogé avec les participants du cours que j’avais donné à Off-campus sur la voiture électrique : comment se fait-il que nos a priori soient à ce point en décalage avec les études et le consensus scientifiques ? Que le doute se soit si bien installé, y compris chez des personnes sensibles à la cause écologique, sur la vertu climatique de ces technologies, indépendamment des autres critiques qu’on pourrait leur adresser ? Je suis preneuse de vos hypothèses sur la question :)
Ces réductions restent vraies à l’échelle du réseau
Une fois établies les comparaisons des sources d’énergie sur tout leur cycle de vie, on peut encore se demander si la conclusion tient lorsqu’on en fait un système énergétique global, c’est-à-dire, en matière d’électricité : un réseau.
Sur ce point, il est vrai que les renouvelables vont nécessiter d’autres infrastructures que les énergies fossiles, notamment du fait que ces sources d’énergie sont par nature intermittentes (la nuit pas de soleil, l’été moins de vent) et beaucoup moins concentrées géographiquement que la petite vingtaine de centrales nucléaires qui nous approvisionnent actuellement.
Pour palier à cette intermittence, nous avons trois grands leviers à disposition :
l’intégration à l’échelle régionale, c’est-à-dire l’élargissement du réseau à plus grande échelle (par exemple européenne) pour faire profiter aux Allemands des jours ensoleillés de l’Espagne, et aux Espagnols des nuits ventées en Allemagne
la diversité du mix énergétique, c’est-à-dire le fait de garder dans le système quelques sources minoritaires, comme le nucléaire, qui puissent prendre le relais des renouvelables en cas de creux de production
les batteries, c’est-à-dire la capacité de stocker l’énergie produite par les renouvelables aux périodes de pic pour la réinjecter dans le réseau en période de creux.
Ces analyses à l’échelle du réseau nécessitent des modèles plus compliqués, et c’est ce à quoi s’emploie RTE, le Réseau de Transport d’Électricité, filiale d’EDF qui a modélisé différents réseaux électriques nous permettant d’atteindre la neutralité carbone du système en 2050.
Leur dernier rapport, sur lequel je reviens plus bas, confirme que les renouvelables parviennent à construire un réseau électrique bas-carbone, malgré l’ajout de batteries et autres infrastructures nécessaires. Et que les renouvelables sont incontournables, peu importe nos choix sur le nucléaire en France
Soutenir les renouvelables peut se faire indépendamment de nos choix sur le nucléaire
Dès lors qu’on parle d’énergie en France surgit la question épineuse du nucléaire. Épineuse car elle croise plusieurs sujets sensibles : certes la production d’énergie et la décarbonation, mais aussi le devenir d’une filière industrielle symbolique pour le pays et en perte de vitesse, les risques d’accidents comme Fukushima, ou encore la gestion compliquée des déchets.
Dans ce numéro, je n’ai pas l’ambition de trancher ce débat. Je voudrais plutôt vous montrer pourquoi, à mon sens, la question du nucléaire ne devrait pas détourner notre attention et notre soutien aux renouvelables.
Pour cela, revenons aux travaux de modélisation de RTE évoqués plus haut.
Ces travaux se sont basés sur la consultation de très nombreux acteurs (industriels, scientifiques, syndicaux …), aux visions parfois très divergentes. RTE a par exemple consulté à la fois l’association négaWatt (historiquement très anti-nucléaire) et l’association de “La Voix du Nucléaire”!
L’effort de modélisation est impressionnant : RTE a construit des modèles de réseaux où à chaque minute des 25 prochaines années l’offre d’électricité satisfait la demande, avec la contrainte de parvenir à un réseau bas-carbone en 2050 !
Dans le graphique ci-dessous, cela revient à remplir de sources d’énergie décarbonées la zone hachurée:
Outre l’objectif de décarbonation, il y a deux autres défis de taille dans cet exercice :
on doit décarboner la production d’électricité, dans un contexte où celle-ci va augmenter d’environ 35%, pour vite remplacer les énergies fossiles (la partie grise du dessin ci-dessous)
l’essentiel du parc nucléaire français, qui assure encore la majorité de la production d’électricité française, a été construit dans les années 70 et nos réacteurs arrivent en bout de course (c’est la partie jaune du graphique qui plonge doucement après 2020). Même en menant les travaux sous contrôle de l’Agence de Sûreté pour prolonger au maximum leur utilisation, on va devoir les remplacer : soit par de nouveaux réacteurs, soit par davantage de renouvelables solaire ou éolien.
Par quel mix électrique peut-on réussir à faire tout ça ?
Les équipes de RTE ont construit 6 scénarios possibles : la moitié misant sur la construction de nouveaux réacteurs nucléaires et un prolongement plus ou moins poussif des vieux réacteurs en fin de vie ; l’autre moitié reposant sur un système intégralement approvisionné par du solaire et de l’éolien.
Et voici le résultat :
Les experts énergéticiens débattront des chiffres précis.
Moi je vous propose de lire plutôt ce qui ressort partout en vert : quel que soit le scénario choisi, il faut augmenter fortement, voire très fortement les énergies renouvelables d’ici 2050.
Même dans le scénario le plus volontariste en termes de nucléaire “N3” (un vrai “défi industriel” selon RTE), le nucléaire ne dépasse pas 50% de la production d’électricité, et le solaire et l’éolien comptent pour 40% du mix électrique total (auxquels s’ajoutent 10% d’hydroélectrique stable). Par rapport aux capacités installées aujourd’hui, cela signifie de multiplier les installations solaires par 7 et l’éolien terrestre par 2,5.
Dans les deux autres scénarios avec nucléaire, le solaire doit augmenter d’un facteur 10 en moyenne, et pour les scénarios 100% renouvelables en 2050, ce chiffre varie de 12 à 22.
On comprend mieux pourquoi RTE en a fait un des message-clé du rapport :
Ajoutons que le rapport de RTE concluait également que se passer totalement du nucléaire (scénarios M0, M1 et M23) impliquait d’aller vite dans le développement de nouvelles infrastructures renouvelables. “Aussi vite que nos meilleurs voisins européens” prévenait le rapport. Sur ce dernier point le rapport n’est déjà plus à jour.
Dans le scénario le plus ambitieux sur les renouvelables (M1), il faut par exemple ajouter 8 giga Watts de solaire par an jusqu’en 2050. Sauf que depuis 2022, nos voisins européens se sont activés ! 8 giga Watts, c’est à peu près ce que l’Allemagne a réussi à installer en 2023 (un an après la publication du rapport de RTE) et deux fois moins que ce qu’elle a installé en 2024 ! Les Espagnols ont eux aussi réussi le doublé : 8GW en 2023 et rebelote en 2024. Ces objectifs sont donc atteignables.
Dans le reste du monde, le nucléaire est à la traîne des renouvelables dans la course à la décarbonation
Le nucléaire est une vraie particularité française : il produit aujourd’hui environ 65% de notre électricité, contre 10% en moyenne dans le monde, et encore moins dans les pays en voie de développement.
Bien que les accords issus des COP visent à ce que la production nucléaire mondiale augmente (x3 d’ici 2050), le nucléaire est à la traîne des renouvelables dans la course à la décarbonation pour deux raisons principales :
l’électricité nucléaire coûte en moyenne plus cher que l’électricité produite par des renouvelables, avec des besoins en capitaux beaucoup plus concentrés
le nucléaire se développe plus difficilement, nécessitant davantage d’expertise de pointe et d’institutions capables d’en garantir l’utilisation sécurisée
De fait, grâce au déploiement massif des dernières années, les renouvelables ont vu leurs coûts diminuer massivement. C’est une illustration du mécanisme économique appelé “rendements d’échelle croissants”, autrement dit : on finit par optimiser les systèmes de production en produisant à grande échelle, et cela fait baisser les coûts.
Et pas qu’un peu.
Le graphique suivant montre une diminution des coûts moyens de l’électricité en sortie de nouvelles centrales de presque 90% pour le solaire, et de 70% pour l’éolien, qui passent en-dessous du nucléaire… et des fossiles !
Munis de ces chiffres, on est moins surpris de constater que le taux de croissance du nucléaire mondial sur les 25 dernières années est à peu près nul, alors que la production de renouvelables augmente exponentiellement. Tirés pour moitié par la production chinoise, le solaire et l’éolien sont en passe de rattraper le nucléaire dans la production d’électricité mondiale :
Ce que je lis de ces graphiques, c’est que le nucléaire n’est pas une énergie de premier plan dans la course mondiale à la transition énergétique.
Mais rappelons-le tout de même, ce n’est pas contre le nucléaire que courent les éoliennes et les panneaux solaires, mais contre le charbon, le pétrole et le gaz.
Sur ce point, on ne peut pas encore crier victoire mais on peut espérer : comme on le voit sur le graphique ci-dessous, les courbes qui augmentent le plus rapidement sont nos deux champions : le solaire (en jaune) et l’éolien (en vert).
Si on les soutenait suffisamment pour maintenir leurs taux de croissance actuels, les renouvelables pourraient théoriquement rattraper les fossiles.. en moins de 10 ans !! Magie de la croissance exponentielle.
Ça vaut le coup de soutenir l’élan non ? :)
Maintenant qu’on sait ça, on fait quoi ?
Individuellement, on peut :
se réjouir :) Le changement climatique ne nous condamne pas, loin de là.
partager cette newsletter et les infos qu’elle contient pour accroître la sensibilisation collective
s’inscrire au cours d’Arthur de Lassus à Off-campus prévu en mai pour poser toutes ses questions pointues à un expert de la question
ranger au fond de la bibliothèque Le Monde sans fin de Jean-Marc Jancovici, et s’offrir plutôt L’avenir de l’énergie, des youtubeurs Osons Causer, ou le Fake or not sur l’énergie de Maxence Cordiez.
basculer sur des équipements électriques chaque fois que c’est possible : location de voitures électriques, remplacement des chaudières fioul ou gaz par des pompes à chaleur, …
investir son épargne chez enerfip pour soutenir financièrement des projets d’énergies renouvelables et gagner 7 à 9% de rendements annuels
En entreprise, on peut :
remplacer les fresques du climat par des ateliers qui projettent un monde bas-carbone, comme Horizons Décarbonés ou Nos Vies Bas Carbone
basculer les flottes de véhicules professionnels vers des voitures électriques (sans passer par l’hybride tant qu’à faire)
envisager l’installation de panneaux solaires et de batteries pour une auto consommation d’électricité, et des remplacements de fours carbonés par des fours électriques
prendre la parole en tant que “responsables économiques” dans le débat public et soutenir des politiques publiques de décarbonation en amont
Dans les politiques publiques nationales et territoriales, on peut :
favoriser les espaces de discussion, d’information et de formation citoyenne sur les renouvelables et leurs bénéfices, en particulier dans des territoires concernés par leurs déploiements
maintenir les soutiens publics et les subventions au développement des renouvelables, malgré les vents contraires : le succès du leasing pour les voitures électriques a montré qu’il y avait une demande, alors que les aller-retours règlementaires sur les subventions démobilisent gravement et durablement les filières.
défendre les renouvelables comme levier géopolitique stratégique pour la France et l’Europe, face aux exportateurs de gaz et de pétrole américains et russes
protéger les savoir-faire et les filières européennes de l’éolien, à l’inverse de ce qui a été fait sur le solaire
On s’en reprend une tranche ?
Si vous n’êtes pas encore rassasié·e ou curieux·se d’en savoir plus, dîtes-moi le sujet que vous aimeriez qu’on creuse dans un prochain numéro consacré aux EnR :
Pour la production industrielle, le problème peut se compliquer car les niveaux de chaleur requis sont beaucoup plus élevés. Pour des fonderies qui recycleraient des pièces métalliques, on peut remplacer les fours à gaz par des fours électrique. Pour des hauts-fourneaux, les températures sont si hautes que les fours électriques ne fonctionnent plus et il faut recourir à d’autres technologies, comme le dihydrogène obtenu par électrolyse.